Une session de printemps sous le signe de la reconnaissance
du rôle des communes
Vendredi matin 21 mars, les Chambres fédérales ont clôturé leur session de printemps 2025 par les votes finaux. Plusieurs décisions importantes ont été prises, confirmant le rôle central des communes dans la mise en œuvre des politiques fédérales et offrant une visibilité accrue sur certains dossiers majeurs.
La large majorité qui a soutenu l’augmentation de l’aide à la presse dans les deux Chambres envoie un signal clair à la Confédération : dans le cadre des futurs travaux d’assainissement budgétaire, ce soutien ne doit pas être remis en question. La diversité médiatique – en particulier au niveau local– est un pilier de notre démocratie. Grâce à cette décision, la situation est désormais clarifiée pour les sept prochaines années.
Du côté de la politique postale, le Conseil des Etats a rejeté une motion qui aurait gelé la révision de l’ordonnance sur la poste, mais esquisse un compromis. Une phase transitoire de dix ans est désormais envisagée pour adapter progressivement l’obligation de distribution, dans un esprit de concertation avec les communes.
Retrouvez dans notre bilan de session l’ensemble des objets traités ayant un impact direct ou indirect sur les compétences communales. Cette session printanière montre une fois de plus que les communes sont et restent des acteurs incontournables du fédéralisme suisse.
Après le Conseil national, le Conseil des États s’est également prononcé le 10 mars en faveur de l’imposition individuelle (24.026), bien que de justesse, par 23 voix contre 21. Il a toutefois introduit plusieurs divergences notables par rapport au Conseil national : les déductions pour enfants, qui ne réduisent plus le revenu imposable chez un parent, devraient pouvoir être transférées à l’autre parent indépendamment de l’état civil. Cette mesure vise à alléger la charge fiscale des couples avec un seul revenu. En contrepartie, pour limiter les pertes fiscales, les déductions pour enfants ne devraient plus être relevées à 12'000 CHF par enfant, mais seulement à 10'700 CHF.
De manière surprenante, une proposition de la gauche du Conseil, demandant un barème fiscal nettement plus progressif pendant une période transitoire de dix ans, a été acceptée à une nette majorité (29 voix contre 14). Grâce à cette mesure, les pertes fiscales estimées sont réduites d’un milliard à 380 millions de francs par an. Le Conseil des États rejette en outre la proposition de sa commission, selon laquelle les couples mariés devraient continuer à remplir une déclaration d’impôt commune.
Le projet retourne à présent au Conseil national, qui devrait en reprendre l’examen lors de la session d’été. Celui-ci avait également adopté, lors de la session d’automne 2024 et à une courte majorité, le projet d’imposition individuelle, soit le contre-projet indirect à l’initiative populaire des Femmes PLR. L’objectif du projet est de supprimer la pénalisation du mariage et de créer des incitations positives à l’activité professionnelle. L’examen de l’initiative populaire elle-même est suspendu jusqu’à la fin des délibérations sur le contre-projet indirect. Le délai imparti pour l’examen a été prolongé jusqu’au 8 mars 2026.
Position ACS: L’Association des communes suisses (ACS) salue en principe la décision du Conseil des États. L’imposition individuelle permet de mettre fin à la discrimination entre couples mariés et non mariés. Elle soutient également un barème fiscal plus progressif pendant une période transitoire de dix ans, afin d’atténuer les pertes fiscales et de limiter les charges supplémentaires pour la classe moyenne. Toutefois, la transférabilité des déductions pour enfants contredit le principe même de l’imposition individuelle et réduit les incitations à l’activité professionnelle que le projet vise justement à promouvoir. Une telle disposition entraînerait en outre une charge administrative supplémentaire et soulèverait des questions juridiques, notamment en cas de contestation de la déclaration d’impôt d’un des parents. L’ACS porte donc un regard critique sur cette mesure.
Par ailleurs, l’ACS a exposé en détail, lors de l’audition devant la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national (CER-N) en février 2022, que ce changement de paradigme fondamental aurait des conséquences considérables et difficilement évaluables pour les communes (pertes fiscales, charges organisationnelles, techniques et en personnel accrues). Pour l’ACS, il est essentiel que le projet puisse être mis en œuvre avec une charge administrative supportable pour les communes. Les cantons et les communes doivent bénéficier d’un délai de mise en œuvre d’au moins dix ans. En outre, l’imposition individuelle ne doit en aucun cas entraîner une fracture sociale.
Lors de la session de printemps, le Conseil national a suivi le Conseil des États en matière d’aide à la presse. Ce dernier avait proposé une solution de compromis : l’aide indirecte à la presse sera augmentée de 30 à 40 millions de francs par an, et un nouveau soutien de 25 millions de francs sera introduit pour la distribution matinale en semaine. Les montants destinés à la presse associative et à la presse de fondation restent inchangés à 20 millions de francs. Cette réglementation s’appliquera pour les sept prochaines années et vise en particulier à permettre aux petits éditeurs régionaux de se transformer en développant davantage leur offre numérique.
Initialement, l’initiative parlementaire (22.423) prévoyait un soutien plus généreux (aide indirecte : 45 millions, distribution matinale : 30 millions, presse associative et de fondation : 30 millions). La solution finalement retenue représente un compromis après de longues négociations. Le Conseil national souhaitait suivre l’initiative sur les deux premiers points, mais supprimer entièrement le soutien à la presse associative et de fondation. En réponse, le Conseil des États a proposé ce compromis lors de la session d’automne, compromis auquel le Conseil national a désormais adhéré.
Lors des votes finaux, le projet a été adopté par 115 voix contre 53 et 23 abstentions (Conseil national) et par 34 voix contre 11 (Conseil des États).
Position ACS: L’Association des communes suisses (ACS) salue l’accord trouvé sur l’augmentation des moyens consacrés à l’aide à la presse, l’introduction d’un soutien à la distribution matinale ainsi que le maintien de l’aide à la presse associative et de fondation. La diversité de la presse, essentielle à la formation de l’opinion démocratique, est particulièrement menacée en Suisse au niveau régional et localLe financement devient de plus en plus difficile en raison de la baisse des recettes publicitaires et de la réticence du public à payer pour des contenus en ligne.
Il est également essentiel de soutenir la presse associative et de fondation. Les magazines et revues publiés par des organisations à but non lucratif, telles que des associations ou des fondations, constituent une source d’information importante. Ainsi, l’ACS contribue, avec le seul magazine communal multilingue encore existant, Commune Suisse, à la mise en réseau des communes par-delà les frontières linguistiques. Les communes bénéficient de retours d’expériences concrets et d’exemples pratiques d’autres collectivités.
La décision des Chambres constitue en outre un signal fort adressé au Conseil fédéral dans le cadre du programme d’économie 2027. Celui-ci prévoit en effet de réduire de moitié l’aide indirecte à la presse par rapport à son niveau actuel. Par cette décision, le Parlement a reconnu l’importance de ce soutien et montré que des coupes budgétaires dans ce domaine ne sont pas appropriées.
Après que le Conseil national a adopté la motion 24.3816 lors de la session d’automne 2024, le Conseil des États a rejeté le texte le 11 mars, sur recommandation de sa commission compétente, par 24 voix contre 17. Lors du débat, le conseiller fédéral Rösti a esquissé une solution concernant le retour controversé à la notion de « localité » pour la distribution : dans le cadre de la révision prévue de l’ordonnance sur la poste, une phase transitoire de dix ans devrait permettre une mise en œuvre progressive de l’adaptation de l’obligation de distribution, en passant des maisons habitées à l’année aux localités habitées à l’année.
Les efforts de La Poste pour poursuivre la transformation de son réseau de filiales — en réduisant le nombre de bureaux exploités en propre de 800 à 600 d’ici à 2028 — ainsi que l’intention du Conseil fédéral de réviser l’ordonnance sur la poste ont suscité de nombreuses réactions politiques. Par cette motion, la Commission des transports et des télécommunications du Conseil national voulait charger le Conseil fédéral de renoncer à toute modification de l’ordonnance sur la poste tant que la révision de la loi sur la poste n’était pas achevée. La Poste aurait en outre été tenue de suspendre ses projets de renonciation à la distribution dans les petits hameaux, de fermeture de bureaux de poste et de réduction de la ponctualité des lettres et des colis. Le Conseil national avait adopté la motion lors de la session d’automne 2024.
Avec le rejet du Conseil des États, la motion est classée. Le Conseil fédéral prévoit désormais d’adopter les grandes lignes de la révision de la loi sur la poste durant l’été, puis d’élaborer un projet. Celui-ci devrait être mis en consultation en 2026, et le message transmis au Parlement au premier semestre 2027.
Position ACS: L’Association des Communes Suisses salue le rejet de la motion. Celle-ci reprenait des préoccupations légitimes, mais allait trop loin et aurait pratiquement bloqué l’évolution du réseau postal. Pour l’ACS, il est incontesté que La Poste doit continuer à assurer le service universel de manière autonome sur le plan économique. Cela rend indispensable une évolution du mandat de service universel. Toutefois, cette modernisation ne doit pas se faire au détriment d’un service de base de qualité, accessible à l’ensemble des régions et de leur population. L’ACS rejette dès lors l’idée que l’obligation de distribution à toutes les maisons habitées à l’année puisse être supprimée par voie d’ordonnance seulement trois ans après son entrée en vigueur. Cela constituerait un recul, qui pénaliserait de manière disproportionnée les régions rurales et périphériques par rapport aux villes et aux agglomérations.
Un compromis possible serait la solution évoquée par le conseiller fédéral Rösti : un démantèlement progressif de l’obligation de distribution sur une période transitoire de dix ans, durant laquelle des alternatives pourraient être élaborées en collaboration étroite avec les communes. L’ACS attend désormais du Conseil fédéral qu’il adapte l’ordonnance sur la poste en ce sens.
L’évolution du mandat de service universel doit continuer à reposer sur un service public de qualité, comprenant les services postaux et les services de paiement. Les prestations numériques doivent être développées davantage. En parallèle, les besoins en offres analogiques, telles que l’accès à l’argent liquide, doivent aussi être pris en compte. Ainsi, la Poste A doit continuer à faire partie du service universel pendant une phase transitoire, parallèlement à l’introduction prévue d’un courrier numérique. Il est essentiel que les autorités locales soient impliquées en amont dans la restructuration du réseau postal, et non seulement au moment de la fermeture d’un bureau de poste. Un dialogue d’égal à égal entre La Poste et les communes est indispensable pour planifier ensemble l’avenir du réseau postal et élaborer conjointement des solutions adaptées.
Le projet de loi pour l’accélération des procédures vise à simplifier et à accélérer les procédures de planification et d'autorisation pour les installations solaires et éoliennes d'intérêt national (23.051). L'objectif est de développer les énergies renouvelables afin de renforcer la sécurité d'approvisionnement, notamment en hiver.
Les points abordés par les députés et les sénateurs lors de la session de printemps concernaient principalement les droits de recours, les mesures de compensation, les installations photovoltaïques alpines et la participation décisionnelle des communes dans le cadre de la procédure accélérée. Sur ce dernier point, le Conseil national a rejoint le Conseil des Etats en prévoyant à l’art. 14a al.1bis que l’accord des communes soit nécessaire, sauf disposition contraire du droit cantonal. Les députés ont toutefois été plus loin que les sénateurs, en ajoutant la notion de droit cantonal actuel ou futur. Il reste donc encore une divergence à traiter entre les deux Conseils sur l’implication des communes.
Le Parlement n’a pas fini de délibérer sur le dossier. En raison de divergences importantes, la commission compétente du Conseil des Etats a décidé de réexaminer le dossier de manière approfondie.
En revanche, les Chambres se sont mises d'accord sur l'offensive solaire alpin : Le Parlement a décidé de prolonger le développement de l’énergie solaire alpin, c'est-à-dire la construction accélérée et soutenue financièrement d'installations solaires alpines.
Lors des votes finaux, la Loi sur l’énergie (Réalisation d’installations photovoltaïques alpines prévues) a été adoptée par 123 voix contre 67 et 0 abstentions (Conseil national) et par 44 voix contre 1 (Conseil des États).
Position ACS: L’ACS salue la décision du Conseil national d’ancrer formellement l'accord des communes d’implantation dans la loi. L’implication décisionnelle des communes d’implantation dans le cadre de la procédure accélérée pour les installations énergétiques renouvelables est indispensable et constitue une condition importante pour l’acceptation et la légitimité des projets.
Après le Conseil national, le Conseil des Etats a lui aussi adopté le projet visant à inscrire la réserve d’électricité dans la loi sur l’approvisionnement en électricité (24.033). La réserve est actuellement réglée par une ordonnance arrivant à échéance en 2026, mais dont une possible prolongation fait actuellement l’objet d’une consultation. Pour les sénateurs, la réserve d’électricité constitue un instrument de crise permettant de couvrir la demande dans des situations critiques. Le soutien financier aux installations de couplage chaleur-force (CCF), alimentées totalement ou partiellement au moyen d'énergies fossiles, a fait l’objet de discussions et n’a pas passé la rampe. Par ailleurs, le Conseil des Etats s’est rallié, moyennant quelques modifications, à la proposition du Conseil national concernant une réserve d’électricité liée à une réduction de la consommation. D’autres divergences subsistent encore et le dossier repart donc au National.
Position ACS: L'ACS accueille favorablement le projet, car il établit les bases légales nécessaires à la création d'une réserve d'électricité utilisable en cas de crise.
Elle est toutefois d’avis que le recours à la réserve doit rester exceptionnel au vu des impacts territoriaux et environnementaux des centrales de réserve. Dans ce contexte, il est essentiel que les communes concernées soient intégrées dans les processus décisionnels et que les allègements possibles des dispositions sur la protection de l’air et du bruit soient évités autant que possible. Une réserve d’électricité ne constitue pas une solution durable pour améliorer la situation de l’approvisionnement. En ce sens, l’ACS salue la décision du Conseil des Etats de limiter le soutien aux installations fonctionnant aux énergies fossiles. L'ACS salue également la décision des sénateurs concernant la réserve liée à la réduction de la consommation.
Après le rejet par le Conseil national, lors de la session d’hiver, de la modernisation de la loi fédérale sur la Bibliothèque nationale suisse (24.027), le projet est retourné au Conseil des États en mars. Jusqu’à présent, les informations numériques ne sont pas réglementées. Le Conseil fédéral entend y remédier. Il prévoit d’introduire une réglementation sur le dépôt obligatoire pour les contenus numériques. L’objectif est de garantir que la Bibliothèque nationale puisse remplir sa mission de collecte et de transmission également dans le domaine numérique. Étant donné que les œuvres ne sont pas exploitées commercialement et que des restrictions d’accès sont prévues, la Bibliothèque nationale devrait pouvoir collecter les contenus numériques sans obligation de rémunération.
Lors de la session de printemps, le Conseil des Etats a apporté diverses précisions à l'art. 5 al. 2 et 3 et a décidé d'un nouvel al. 4. Il veut ainsi restreindre l’accès aux seuls postes de travail situés dans la Bibliothèque nationale, avec des exceptions pour les utilisatrices et utilisateurs dûment identifiés. Il propose en outre, à l’unanimité, que la Bibliothèque nationale verse une contribution annuelle au fonds culturel d’une société de gestion des droits d’auteur en soutien aux acteurs et actrices des milieux culturels. Le Conseil national devra à nouveau se pencher sur cet objet avec cette divergence.
Position ACS: Du point de vue de l’ACS, la collecte et la diffusion d'« Helvetica » (les informations/contenus qui se rapportent à la Suisse) dans le domaine numérique doivent en principe être gratuites pour la Bibliothèque nationale. La contribution annuelle prévue de la Bibliothèque nationale ne doit pas être répercutée sur les communes. Les modalités de cette contribution annuelle doivent donc faire l'objet d'une attention particulière lors de la conception concrète. Les coûts éventuels supplémentaires pour les communes et les bibliothèques communales doivent être refusés. La limitation locale de l'accès aux postes de travail de la Bibliothèque nationale est justifiable. L'ACS peut donc soutenir la solution de compromis concernant le dépôt légal numérique.
Indications sur l'utilisation des cookies :nous utilisons des cookies afin d'optimiser la conception de notre site web et de l'améliorer en permanence. En continuant à utiliser le site web, vous acceptez l'utilisation de cookies. Vous trouverez de plus amples informations à ce sujet dans nos informations sur la protection des données.